AFP - Préserver les forêts permettra aussi de préserver les récifs coralliens dans les décennies à venir, en limitant le volume de sédiments rejetés dans l'eau, suggère une étude publiée mardi dans la revue Nature Communications.
A Madagascar, pays auquel s'intéresse cette étude, les récifs coralliens proches des côtes subissent un apport croissant de sédiments dû à la destruction de forêts, charriés par les rivières jusqu'à la mer, écrivent les chercheurs provenant notamment de l'Université Macquarie, à Sydney, en Australie.
Une importante sédimentation est néfaste à la croissance des coraux, écosystèmes fragiles qui abritent une riche biodiversité marine, en limitant leur accès à la lumière et en perturbant leur alimentation.
L'étude a consisté à modéliser l'évolution possible du débit des rivières et de l'apport en sédiments dans quatre bassins versants de Madagascar en fonction des évolutions possibles de notre climat et de la façon dont seront ou non préservées les forêts.
Les chercheurs montrent que, en 2090, le réchauffement climatique devrait se traduire par une diminution du débit des rivières et de l'apport en sédiments dans les zones où se trouvent les récifs coralliens. Mais cette diminution sera totalement contre-balancée par les conséquences de la déforestation.
"En conséquence, notre analyse suggère que la gestion régionale de l'usage des terres est plus important que de modérer le changement climatique pour réduire la sédimentation des récifs coralliens à Madagascar", concluent les chercheurs.
Ainsi, pour l'étude, l'apport en sédiments pourrait diminuer d'un cinquième à deux-tiers si 10 à 50% des forêts naturelles sont restaurées.
Victimes de pêches destructrices, du tourisme ou encore du réchauffement climatique, près d'un tiers des récifs coralliens de la planète sont déjà morts ou endommagés. Les conséquences sont autant environnementales qu'économiques : ces écosystèmes abritent des millions d'espèces animales et végétales et font vivre un 1/2 milliard de personnes dans le monde.
Les récifs coralliens composent – avec la cime des forêts équatoriales – les écosystèmes les plus riches et les plus complexes de la planète. Bien qu'ils occupent moins de 0,25 % de l'environnement aquatique, ils pourraient abriter entre 1 et 3 millions d'espèces, dont 10 % seulement sont connues. Près de 5 000 espèces de poissons – plus du quart de la totalité des espèces de poissons marins connues – y ont été identifiées. Sur un mètre carré de récif corallien, le nombre d’espèces animales et végétales est plus de cent fois supérieur à ce qu’il est dans l’océan voisin.
Présents dans plus de 100 pays, les récifs coralliens s’étendent sur 112 000 à 4 millions de km², selon que l’on considère les récifs au sens strict ou l’ensemble des lagons qu’ils entourent. La grande barrière de corail (Australie) est le plus grand ensemble récifal (350 000 km²). La France en accueille 55 000 km² répartis dans les 3 océans, l’Indonésie 51 020 km², les Philippines 25 000 km².
Ces écosystèmes protègent les côtes de l'érosion des vagues, servent de nourriceries pour les jeunes poissons, notamment les récifs "frangeants", les plus menacés, apportent une source de protéines pour les populations locales. Ils sont générateurs d'emplois et constituent le support principal de la petite pêche et du tourisme.
La protection des récifs coralliens en Australie:
Les écosystèmes coralliens ne sont pas protégés par une convention internationale spécifique. Leur protection est cependant prise en compte dans plusieurs textes internationaux, de valeur inégale. L’Australie a mis en place la règlementation la plus appropriée : réseau d'aires marines protégées le plus grand au monde (33 % du récif), activités de pêche, de loisir ou commerciales interdites, surveillance rapprochée, amendes dissuasives, ainsi qu’une coopération efficace avec les scientifiques et professionnels du tourisme.
Il existe trois grands types de récifs coralliens :
- les récifs « frangeants », au contact des côtes, en eaux très peu profondes ;
- les récifs barrières, séparés de la terre ferme par un lagon, parallèles à la côte, larges et continus ;
- les atolls, îles entièrement coralliennes, dont le support insulaire ou continental qui a servi d’appui au développement du récif a disparu soit par enfoncement sous la surface, soit du fait de l’érosion.
Les coraux tropicaux sont caractérisés par l’association à bénéfice réciproque (symbiose) de petits animaux coloniaux, les polypes, possédant des tentacules comme les anémones et les méduses, et d’algues unicellulaires, les zooxanthelles, situées à l’intérieur des cellules du polype. Ces zooxanthelles, qui donnent aux coraux leur couleur, satisfont, grâce à leur faculté de synthétiser de la matière organique (la photosynthèse), jusqu’à 90 % des besoins en sucres des polypes.
Dans les mers chaudes, 70 % des récifs de coraux sont menacés, notamment par l’activité humaine : tourisme, prélèvement de matériaux, surpêche, réchauffement climatique.
Le récif corallien, support de l’économie:
Environ 500 millions de personnes, réparties dans plus de 100 pays, seraient tributaires des récifs coralliens pour leur nourriture et la fourniture de services. Parmi eux, 30 millions en dépendent directement pour leur nourriture. Selon le PNUE (Programme des Nations Unies pour l’Environnement, rapport sur la valeur économique et la fonction de maintien de la vie des récifs coralliens et des mangroves – janvier 2006), la pêche rapporte entre 15 000 et 150 000 dollars par km² et par an. Le chiffre d’affaires annuel des pêcheries en Asie du sud-est est estimé à 2,5 milliards de dollars, à 310 millions dans les Caraïbes. Ces performances tiennent à la nature même de l’écosystème : les récifs coralliens procurent une multitude d’abris et de lieux de ponte à de nombreuses espèces. Ils sont des zones de nourriceries pour de nombreuses espèces de poissons, parmi lesquels des poissons d’intérêt commercial. Le corail, support de l’écosystème, est lui-même une source de nourriture pour de nombreux organismes.
Ils contribuent aussi fortement au tourisme : 1 milliard de dollars par an de revenu sur la Grande Barrière de Corail en Australie, 3 milliards dans la région de Key West, en Floride.
Les récifs coralliens rendent encore de multiples services :
- protection des zones côtières, en faisant obstacle aux tempêtes, cyclones, tsunamis : un récif corallien peut potentiellement absorber 90 % de la force d’impact d’une vague, protégeant ainsi le littoral et les infrastructures ;
- réduction de l’érosion côtière : au Sri Lanka, un km2 de récif permet d’éviter annuellement l’érosion de 2 000 m³ de sédiments littoraux ;
- fourniture de molécules pour l’industrie pharmaceutique : l’AZT, utilisé dans le traitement du Sida, est extrait d’une éponge corallienne des Caraïbes, et aussi des antibiotiques et des anticancéreux.
Globalement, selon le WWF, les récifs coralliens contribueraient pour environ 30 milliards de dollars chaque année à la production de biens et services.
Fortes pressions sur les coraux:
D’après le rapport Status of Coral Reefs of the World (2004), rédigé par Clive Wilkinson, expert australien, 20 % des récifs du monde sont détruits et ne montrent aucun signe de récupération. Selon le PNUE, 30 % des récifs de corail sont soit morts, soit sérieusement endommagés. La zone Caraïbes et l’Asie du sud-est font partie des zones les plus dégradées. Un état complet sur reefbase. Les causes sont principalement d’origine humaine :
- prélèvements inconsidérés de la faune ou de matériaux coralliens ;
- surpêche et méthodes de pêche destructrices. La pêche à l’explosif a détruit environ 75 % des récifs indonésiens ;
- érosion terrestre qui provoque un apport de sédiments dans les récifs, augmente la turbidité et réduit ainsi la lumière nécessaire aux zooxanthelles, voire les étouffe complètement ;
- eaux terrestres charriant des polluants (pesticides, dérivés du pétrole…) ;
- tourisme de masse pouvant porter atteinte aux récifs (piétinements...) ;
- aménagements : construction d’aérodromes, remblaiement de zones coralliennes et lagunaires. 75 % des récifs coralliens se situent dans des régions ayant un fort taux de développement.
Se rajoutent à cela les effets du réchauffement climatique. L’augmentation de la concentration en CO2 entraîne une acidification des eaux et ainsi une diminution du potentiel de calcification des coraux. Le blanchissement massif des coraux intervient sous l’effet de différents stress, au premier rang desquels l’augmentation de la température de l’eau. Il y a rupture de l’association symbiotique entre le corail et les zooxanthelles. Celles-ci quittent les polypes ou perdent leur capacité photosynthétique. La mort des coraux, support principal de l’écosystème, entraîne la mort du récif. Cela a été la cause la plus importante de dégradation des récifs depuis les années 1980, en relation avec la fréquence accrue d’épisodes El Niño. D’après le rapport de Clive Wilkinson, lors du blanchissement de 1998, 16 % des récifs ont été détruits, principalement dans l’Océan Indien et le Pacifique Ouest. Depuis, jusqu’à 40 % des récifs endommagés ont rapidement récupéré (Golfe Persique, Afrique de l’Est, Seychelles, Maldives, Palau, Japon et Grande Barrière d’Australie), notamment ceux situés dans les zones protégées.