Grenadier, empereur, sabre noir, vivent en grande profondeur. Ils sont appréciés des consommateurs mais leur capture fait polémique entre pêcheurs et écologistes. L’Europe planche sur le sujet jusqu’à mardi soir.Ils ont des gueules à faire peur, mais leur chair ravit plus d’un palais et leur exploitation fait l’affaire des ports de Lorient, Boulogne-sur-Mer et Concarneau. Toutefois leur capture n’est pas du goût de tout le monde. Plusieurs ONG, comme Greenpeace ou Bloom, mènent un combat acharné contre leur capture. Pour elles, le recours au chalut de fond est néfaste et destructeur des écosystèmes marins les plus fragiles.
Alors pour ou contre l’interdiction de la pêche de grands fonds ? Notre débat entre l’association écologiste Bloom et le Comité national des pêches.
Pour : Claire Nouvian, président de l'association Bloom
« La pêche profonde industrielle : une arnaque française à la Madoff »
« Madoff vous vous souvenez ? Un système de Ponzi dans lequel seul l’apport constant de capital permet de payer les intérêts des investisseurs. Quand la chaîne s’arrête, le système s’effondre car il ne repose sur aucune rentabilité réelle. Ainsi en est-il de la pêche profonde au chalut, sauf que l’argent entrant n’est pas celui d’une poignée de milliardaires, mais nos impôts. Sauf aussi que l’impact de cette imposture est la destruction des écosystèmes marins les plus fragiles, constitués de créatures vivant plus longtemps que nos grands-mères et dont certaines sont aussi menacées que les rhinocéros.
Les énormes navires industriels, principalement ceux d’Intermarché, sacrifient plus de 100 espèces, rejetées mortes à la mer, pour les 3 poissons qu’ils ciblent au-delà de 1 000 m de profondeur. Les coraux plurimillénaires qui sont labourés par les filets de pêche restent au fond, en morceaux. Toute allégation de pêche chalutière profonde « durable » est un mensonge assumé, une distorsion de la science, totalement irrespectueuse des écosystèmes et des Français.
En France, seuls 9 navires sont concernés : il ne s’agit pas d’un « secteur » mais de l’activité destructrice d’un géant de la distribution qui utilise le poisson comme produit d’appel pour prendre des parts de marché à la concurrence. Défendre le chalutage profond est une insulte à la pêche française et un aveu de collusion avec les lobbies industriels.
Retrouvez, l’appel des chercheurs et la pétition de BLOOM sur leur site.
Contre : Gérard Romiti, comité national des pêches
« Beaucoup de contre-vérités »
« Beaucoup de contre-vérités sont dites sur la pêche des poissons de grands fonds que le Comité national des pêches souhaite rétablir. Les poissons de grands fonds seraient menacés d’extinction ? Les experts scientifiques ont constaté en 2012 une augmentation de la biomasse des principales espèces pêchées, autorisant une augmentation des quotas. Le chalutage en eaux profondes ne serait pas sélectif ? Des observateurs indépendants embarqués en 2011 et 2012 ont conclu que 99 % des captures sont constituées de 25 espèces.
La pêche dite « industrielle » détruirait des forêts de coraux profonds ? Les ONGE ont oublié de dire qu’au sein des eaux européennes, près de 13 000 km² sont déjà ou en cours d’être protégées. Quant à réserver cette accusation à la seule pêche « industrielle », elle est totalement inexacte puisque les pêcheurs pratiquant la petite pêche seraient également pénalisés par la proposition de la Commission (du fait des espèces retenues notamment). Les conséquences de cette proposition ont donc été largement sous-estimées.
Au moins 400 navires de pêche français seraient impactés, cet ordre de grandeur pouvant être retenu pour chacune des autres flottilles européennes. Une large coalition d’organisations de pêcheurs européens s’est ainsi constituée pour contester la rationalité et le bien-fondé de cette proposition d’interdiction, et être force de proposition. En effet, il n’est pas de bonne gestion par l’interdiction qui est une solution de facilité pour les bien-pensants, mais bien la mise en place de protocoles d’exploitation. » Gérard Romiti, président du Comité national des pêches.